Bruno Carbonnet
Updated — 11/09/2020

Bruno Carbonnet

Buisson ardent
Par Morgane Estève
Catalogue de la synagogue de Delme, Presses du Réel, 1996

Après quelques tentatives et exploitations diverses des supports de la photographie, de l'installation et de la vidéo, Bruno Carbonnet fait le choix, dès le milieu des années 80, de la peinture comme lieu singulier de son expression. La série Peintures de 1985 marque définitivement cet ancrage, avec un intérêt particulier pour l'étude des techniques, des pigments. Le choix du médium est induit par sa plus simple définition : donner à voir, montrer au regard.

Par la suite, c'est au thème du corps que l'artiste s'attache. Si dans la première série d'importance Body Traps, 1991-1993, il rend compte, par le biais de 30 petits formats identiques, d'une étude de manuels d'anatomie et de dissection, il viendra par la suite à la figure humaine par une dimension plus indirecte liée à la présence — réelle ou supposée — du corps dans l'espace.

Une autre étape singulière est amorcée par une série de voyages que réalise l'artiste en Orient, plus particulièrement en Inde, et qui introduiront petit à petit une forme de spiritualité dans ses créations. Parallèlement, et comme pour poursuivre naturellement cette quête dans laquelle il s'est engagé, une succession de rencontres et de commandes le mènent au milieu des années 90 au contact du monde religieux : commande pour la Jérusalem Céleste, église d'Arques-la-Bataille, 1995 ; buisson ardent, synagogue de Delme, 1996. « Ces lieux de culte me semblent porter une exigence qui induit positivement la peinture » déclare alors Bruno Carbonnet.
Pour l'espace de l'ancienne synagogue, l'artiste revient au texte biblique et choisit l'épisode du Buisson ardent dans l'Exode. Évacuant toute nécessité d'illustration littérale ou conceptuelle du texte, Bruno Carbonnet resserre le propos au seul sujet de l'arbuste flamboyant et tient à distance les figures de Dieu et Moïse, suggérées par l'épisode. Il déclare d'ailleurs avoir simplement voulu matérialiser l'expression « n'y voir que du feu » et s'être attaché à la simple manifestation d'une présence. De dimensions imposantes, cette peinture, réalisée sur mesure pour l'espace de l'arche d'alliance, occupe l'intérieur de la synagogue de tout son rayonnement.
Le « poudroiement », « l'atomisation » du pigment coloré deviennent alors sensibles à tout spectateur qui prend le temps d'en faire l'expérience. Et résonnent les paroles de l'artiste : « Les couleurs s'inscrivent dans le paradoxe de rendre apparent ce qui est non visible ».
Depuis juillet 1996, buisson ardent a rejoint l'église des Cordeliers du Musée historique lorrain de Nancy où il est toujours visible depuis son acquisition puis sa mise en dépôt par la Caisse des Dépôts et Consignations.

Bruno Carbonnet a poursuivi depuis cette expérience son cheminement de spiritualité tel qu'en témoigne son projet récent de réaménagement d'un espace de deuil à l'hôpital de Fécamp, où couleur et lumière y trouvent une résonance apaisante.

© Adagp, Paris