Marie-Anita Gaube
Updated — 13/01/2021

Texte de Marie-Anita Gaube

Texte de Marie-Anita Gaube, 2017
Présentation de l'exposition personnelle Meeting Point, Galerie Françoise Besson, Lyon

Moi : C'est ici, vous y êtes !
Lui : bon ! Est-ce bien ce lieu idyllique dont on m'avait parlé ?
Moi : Si tu crois ce qu'on te dit, tu te trompes...
Lui :

« Celui qui sait ne peut aller au-delà dʼun horizon connu »
Georges Bataille, L'Expérience mystique, 1943

Meeting point : point de rencontre entre deux mondes. Endroit où se retrouvent des individus pour vivre une expérience. Ils dialoguent silencieusement, mettent en place des actions : parades, traversées, pique-niques cosmiques et autres « cérémonies » ; autant de stratagèmes pour faire face aux mondes étranges et déroutant desquels ils se sentent piégés.

La couleur est un souvenir, un flash, une survivance de mon expérience sensible du monde. Elle flatte et perturbe simultanément une lecture aisée du tableau.
Le sujet, cʼest lʼHomme ; et son monde qui bascule avec lui. Cʼest lʼhomme, livré à lui-même ou prenant place dans le collectif, qui tente de déjouer le système, de passer au-delà des règles imposées, de retourner à l'innocence.

Dans la peinture on joue. L'atelier, c'est un terrain de jeu, une hétérotopie... La matière première, cʼest le monde comme un immense bocal de matières et d'idées, d'idéologies, d'actions, et de révolutions. L'art est une forme de résistance.
J'ai le sentiment que pour comprendre la vérité il faut retourner à une sorte d'insouciance, ne pas avoir peur de mettre à nu, de déformer, de découper, de recoller, et de créer des combinaisons parfois absurdes. Bien faire cela ne sert à rien.

Le décor est posé. C'est un lieu idyllique, une sorte de jardin d'Eden ; on a envie de s'y glisser. J'aime le lieu du jardin car il a cette qualité, dans la symbolique collective, d'être un sas, un lieu de transition entre l'intime et le monde extérieur, entre le soi profond et le soi « civilisé ».
Cette dualité s'étend à d'autres niveaux dans ces peintures : la perspective articule différentes architectures. Les objets ne convergent pas vers un point unique, mais vers des espaces différents.

Cette mise en scène des points de vue est volontairement maladroite ou plutôt bouleversée. Je renoue, dans cette dernière série de peintures, avec des travaux plus anciens (2013-2014), qui étaient habités par des figures qui prenaient place dans des situations précaires.

Le corps subit ici une expérience tantôt mystique, tantôt profane. Il tombe, il fuit à l'image de Saint Antoine dans le désert. Il erre sur un radeau qui n'existe plus, il attend une annonce. Fragmenté, domestiqué, aliéné, puis déformé, il se constitue d'une matière modelable. Soudain il se fige, reste pétrifié, ne pouvant plus rien faire... Il devient alors ce témoin immobile dʼun monde qui glisse et se délite.

À quel endroit, la peinture nous permet-t-elle de s'affranchir du rationnel ?
Je ne cherche pas à reproduire mais à représenter, à saisir des interstices, des reflets cachés.