Maxime Lamarche
Updated — 07/09/2017

Texte d'Anthony Lenoir

Texte d'Anthony Lenoir
Présentation de l'exposition Bleu-Transhumance, Association Solarium Tournant, Ancien Boulodrome Gabriel Dufour, Aix-les-Bains, 2017

Pour sa seconde résidence d'artistes à Aix-les-Bains, l'association Solarium Tournant invite Maxime Lamarche. Au sortir de l'été, durant plus d'un mois, l'artiste s'est installé sur la rive de la cité touristique pour penser et concevoir l'exposition Bleu-Transhumance qui trouve son nom dans les rapports forts entre l'eau et le tourisme donnant lieu à l'apparition de constructions balnéaires. Toujours en quête d'architecture en voie de disparition, l'association Solarium Tournant a proposé à Maxime Lamarche de déplacer pour quelques semaines son atelier dans l'ancien boulodrome Gabriel Dufour. Cette vaste halle a eu différentes fonctions depuis sa construction en 1967. Servant tout d'abord de chantier naval et de lieu d'exposition-vente, elle fût transformée en 1973 en centre de loisirs pour accueillir les enfants de la ville de Courbevoie. En 1986, elle change à nouveau d'activité puisqu'elle se transforme en boulodrome. Aujourd'hui, elle est en jachère et attend sa prochaine charge.

Prenant acte de cette évolution constante et des liens évidents que le bâtiment a entretenu avec le lac du Bourget et l'histoire du tourisme en général, Maxime Lamarche a imaginé trois œuvres.
La première œuvre, Austin's Island, est une hybridation entre un bateau de vitesse – un Fletcher 155 Arrowsport – et une maquette en résine de la montagne faisant face au boulodrome, la dite Dent du Chat. Le « bateau-montagne » est installé sur deux pieds rappelant les socles de maquette souvenir donnant alors le sentiment qu'il a perdu toute fonction. Pourtant plusieurs éléments laissent penser le contraire : l'échelle, le moteur mais aussi une découpe sommaire dans la résine qui donne accès à l'intérieur du bateau. Une photographie montrée à l'entrée de l'exposition vient confirmer notre pressentiment puisque l'île a bel et bien « navigué ». Les deux éléments hybridés révèlent chacun à leur tour un mythe différent. La montagne trouve son nom dans une légende racontant qu'un chat aurait terrorisé les habitants de la vallée jusqu'à ce que deux compagnons du roi Arthur (Bérius et Mélianus) l'en délivre. Le bateau fut acquis par une famille anglaise au début des années 2000 pour venir pratiquer le ski nautique durant leurs vacances. Le père, M. Austin, cherchait ainsi à rejouer une forme de mythe du tourisme balnéaire propice tant à la détente qu'à la découverte de sensations fortes. Une panne en plein milieu du plus grand lac naturel de France, a contraint la famille à abandonner son bien sur la berge, mettant ainsi fin à leur rêve d'évasion. En équipant le bateau d'une reproduction fantasmée de la montagne, Maxime Lamarche rend caduque la vivacité présumée de l'embarcation et la transforme en une sorte de sarcophage flottant, symbole de la puissance des mythes mais aussi de leur inéluctable épuisement. L'embarcation voguant sur le lac questionne un autre mythe : l'île. Élément naturel mais aussi imaginaire, l'île fût un objectif majeur des différentes expéditions à travers les âges tout autant qu'une forme d'enfermement par sa nature insulaire.

La seconde œuvre, Algarrobico, est le gréement d'un bateau installé à l'horizontale sur un mur du boulodrome. En passant en dessous, on découvre sur la voile avant une impression représentant un paysage côtier. Si à première vue seule la falaise se projetant dans l'eau nous apparaît, avec une attention décuplée, nous distinguons trois grues et un bâtiment en construction. Le titre de la pièce nous aiguille sur le lieu photographié. Il s'agit d'un hôtel espagnol qui a occupé les pages fais divers des grands quotidiens lorsque sa construction a dû être brutalement stoppé du fait du non-respect des lois du littoral. En lui offrant une place de choix sur la voile, Maxime Lamarche en fait une sorte de sponsor de l'œuvre. Cependant l'hôtel est le symbole d'une société qui réagit parfois à contretemps et fini par accepter de laisser vivre les images de son déclin.

Enfin, la dernière proposition de Maxime Lamarche se découvre en traversant la halle. Il s'agit d'une corne de brûme retentissant lorsque le visiteur passe de Algarrobico à Austin's Island. Cet instrument maritime habituellement utilisé pour signaler un danger devient ici un marqueur. Il projette une nouvelle fois le visiteur dans un univers marin tout en rappelant la fonction première du bâtiment. Il ramène à son utilisation temporaire en scandant chaque déplacement des visiteurs. Enfin, comme toute sonnerie, le son semble marquer la fin d'une étape, mais laquelle ? Est-ce la fin de l'exposition ? du bâtiment ? ou des mythes et symboles abordés par Maxime Lamarche ?
Bleu-Transhumance est un galet de ricochet lancé sur le vaste océan de l'attrait de l'homme pour l'eau. De sa volonté ancestrale d'habiter les rives à sa détermination de défier l'immensité bleue qui s'offrait à lui, l'homme n'a eu de cesse d'être repoussé. Maxime Lamarche tente une nouvelle approche, celle du subterfuge en brossant le lac dans le sens du poil par la dénonciation de notre approche du littoral tout en s'engouffrant dans son bateau-montagne pour naviguer incognito dans sa propre masse montagneuse – une dent du chat devenue cheval de Troie.

© Adagp, Paris