Pascal Poulain
Updated — 21/02/2018

Les hors champs éloquents de Pascal Poulain (extrait)

Les hors champs éloquents de Pascal Poulain (extrait)
Par Marie-Cécile Burnichon
In ZéroQuatre n°4, Portrait, 2009

[...] Si Dubaï est prise dans une fuite en avant prospective (en même temps qu'elle cherche à s'inventer un passé) , le Puy du Fou® réécrit l'histoire de France pour en exhumer des valeurs qu'il voudrait bientôt voir triompher... aux élections. Là encore, pas de regard frontal, mais une école buissonnière de la photographie qui place au premier plan des images des écrans végétaux (bosquets, barrières de bois, herbes sauvages), témoins d'une prise de vue distante et d'une adhésion pour le moins éloignée. Si Pascal Poulain fixe certaines merveilles pyrotechniques vendéennes, c'est parce qu'elles mettent en crise la véracité de la photographie et révèlent l'artifice des situations. Dans La bataille du donjon, une zone de l'image demeure étrangement nette alors que sa plus grande partie est nimbée de fumée. Les nuages de feu dans Le nouveau final se découpent singulièrement dans le ciel et les ombres qu'ils dessinent sur la façade de la forteresse transforment cette dernière en un gadget géant de mauvaise qualité.

Ce qui frappe dans les photographies de Dubaï et la série Le Grand Parc, c'est l'absence de personnages, comme si pour les premières, l'artiste voulait faire état de la non existence légale des ouvriers dans la cité des Emirats (dépouillés de leur passeport dès leur arrivée à l'aéroport), tandis que pour la seconde, il ne souhaitait pas donner corps aux 3 000 Puyfolais bénévoles qui font le succès de Cinéscénie, le plus grand spectacle de nuit au monde.

Dans la série consacrée aux slogans des campagnes présidentielles de 1965 à 2007, des hommes et des femmes manipulent, face au soleil, des pochoirs où sont inscrites, dans des lettres évidées, les phrases chocs des candidats, afin de les faire apparaître au sol, dans une écriture de lumière. Ici, le corps fait irruption sur un mode performatif : les personnages se contorsionnent pour assurer la lisibilité des slogans, mais ceci ne fonctionne guère et renforce la vacuité de ces phrases neutralisées par leur accumulation.

Toutefois, si les photographies de Pascal Poulain recherchent les points de friction avec le réel - confusions entre culture et consommation, craquèlements du simulacre, achoppements aux discours -, il semble bien, contre toute attente, que le corps constitue, en creux, un sujet central de son œuvre, en ce qu'il permet la mise à distance, l'expression d'un engagement et la participation au débat politique qu'ouvre sa représentation.