Bruno Yvonnet
Updated — 02/05/2022

Entretien avec Jean-Philippe Antoine (extrait)

Entretien avec Jean-Philippe Antoine (extrait)
À l'occasion de l'exposition Reprise, Galerie José Martinez, Lyon, 2003

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J-P.A. : Un troisième élément dans l'exposition fait le lien entre les peintures et les plaques offset. C'est la vidéo réalisée il y a quelques années pour Montevideo. On y retrouve des éléments cités dans les plaques : un état du monde du point de vue des lieux communs de l'information.

B.Y. : Je devais faire une exposition à l'alliance française de Montevideo, et dans le même esprit que le roman-photo "Peut-on l'atteindre ?", j'avais l'idée de transposer dans un film le même système de décalage entre le dialogue et l'image récupérée. Il s'agissait donc d'aller piocher dans du sitcom et de faire dire aux personnages quelque chose qui soit décalé mais qui en même temps ait plus de sens. Je n'ai pas cherché longtemps : ce devaient être des propos sur les finances internationales. En l'occurrence, ça tombait particulièrement bien en Uruguay, qui est un pays en difficulté, complètement inondé de sitcoms mexicains et américains. Le sitcom est l'un des objets impérialistes typiques puisque c'est la voix du plus fort. Et cette année-là, le gouvernement uruguayen soutenait une chaîne TV du pays dans le but de fabriquer un sitcom estampillé Uruguay, comme une entreprise de fierté nationale. Donc mon projet a vraiment trouvé une résonance là-bas. En pratique, j'ai pris de petits extraits de sitcoms français, américains et uruguayens, et j'ai fabriqué des dialogues à partir d'articles de la presse financière internationale, dans lesquels il est question des mouvements boursiers, de considérations sur le CAC 40, le Bovespa, etc.

J-P.A. : Cette technique - prendre des films, en l'occurrence des sitcoms, autrefois des films américains de série B, et en refaire les dialogues - c'est une technique situationniste. Mais dans ce que tu proposes, l'actualité financière internationale, telle que l'énonce la presse, a remplacé la pensée de Mao Tsé Toung.

B.Y. : À la façon d'un Jean-Pierre Gaillard, qui nous fait le feuilleton du CAC 40 tous les jours sur les radios, avec un ton tantôt enjoué, tantôt angoissé. C'est la leçon.

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