Philippe Favier
Dossier mis à jour — 08/02/2012

Géographie à l'usage des gauchers, 2004 - 2005

Géographie à l'usage des gauchers
Musée d'art contemporain de Lyon, 2004-2005
Expédition de 512 jours, du 1er février 2004 au 16 juin 2005 — Exposition du 18 juin au 14 août 2005
Production dans le cadre de l'exposition, Musée d'art contemporain de Lyon, juin 2005
Collection Musée d'art contemporain de Lyon, 2007

Installation sur 700m2 composée de deux espaces : un espace lumineux où prédomine la cartographie composée de 396 petits cadres, un hémisphère sombre accueillant un ensemble hétéroclite d'objets évoquant le voyage et l'exploration.

Photos : © Blaise Adilon

Portrait de Philippe Favier

"Depuis le 2 février 2004, je vis en Belphégor dans le Musée d'Art Contemporain de Lyon, j'ai fait construire une double cloison où je me suis caché pour créer. Laissant imaginer que mon absence de 17 mois était dûe à un voyage au long cours, je n'ai pas bougé d'un pouce mais ma main – la gauche – a tracé des milliers de kilomètres de côtes imaginaires. Pour me tenir compagnie et pour nourrir mon inspiration, il m'a fallu rassembler ou inventer de nombreux objets et dessiner de multiples projets... Cette exposition retrace l'aventure écrite et graphique de ce périple. Sans autre prétention que celle de vous permettre de visiter les coulisses de cet univers qui pendant plus d'un an fut parallèle au vôtre. Ainsi se clôt temporairement cette " Géographie à l'usage des gauchers " à jamais incomplète."

Philippe Favier, Lyon – juin 2005

● Texte de Thierry Raspail, 2005

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Philippe Favier est un souple qui s'immisce sans ruse entre les obstacles. Son œuvre oscille en diagonale, créant des petits mondes menaçants ou sereins dans les interstices du grand Nôtre. Les formes affichées par l'artiste pourraient n'être pas, car il a la discrétion de les lâcher comme par inadvertance dans l'aride immensité du grand jeu social qui règle nos normes et nos conventions. La fluidité est son monde. Ses passions accrochent le lointain, elles enflent avec l'horizon. Par conséquent, elles sont le plus souvent tues de peur de passer pour anecdotiques. Elles confinent à l'intuition et semblent hors du temps, sans espace contingent, tout cela leur confère une mobilité fragile.

Mais de cela, nous parlons rarement avec Favier, car l'homme est pudique et son œuvre subtilement implicite. De ce dont nous parlons en revanche et qui est l'origine de cette fabuleuse aventure de gaucher géographe, c'est du partage des mondes publics et privés, des expériences temporelles qui les distinguent et des territoires qui les dissocient. En effet, l'artiste, se méfiant à tort de ses propres méandres poétiques, a pris l'habitude de séparer deux mondes, celui de l'atelier et celui de l'exposé (terme que je préfère à celui d'exposition). À ces deux mondes correspondent évidemment deux moments. Le premier est en quelque sorte une mise en récit, il est l'instant onirique de toutes les libertés, il est intime et clos. Le second est public, péripatéticien et se livre sous la forme d'une mise en scène nécessairement ordonnée. Ces deux mondes sont sans commune mesure. Quelquefois même, dans le passage de la mise en œuvre à la mise en scène, un effet d'amidon vient bloquer l'extrême fluidité des formes.

De cela, nous avons longuement débattu avec l'artiste. Il ne s'agit pas, loin s'en faut, d'une simple question d'emballage ou « d'accrochage » décidément bien banale, mais d'une mise en perspective, de l'invention (comme on le dit d'un trésor) d'un mode de circonvolution unique, d'une géographie mikado, ou pour le dire avec légèreté d'une méthode associative, qui, comme la champenoise, fait l'excellence particulière des crus d'exception.

Dans l'intimité de l'atelier, l'éparpillement des choses, les patines raffinées, le désordre harmonisé ont l'éloquence muette du grand œuvre. Ici ou là, entre appareils vaguement inconnus, ustensiles à vis, lanternes, lunettes et clapets émergent quelques pièces en cours ou achevées, rarement au mur. Elles ont l'élégance des secrets d'alcôve, l'infini bruissement des rumeurs. Il fallait, par conséquent, qu'exposées, elles conservent leur part d'invisibilité et tous leurs instants de mystère. Il fallait, par conséquent, que l'instant public et l'instant privé se confondent et se superposent.

C'est pourquoi, dix-sept mois durant, Philippe Favier a décidé de vivre et travailler dans le musée, une cache lui ayant été aménagée à cet effet entre deux murs. L'aventure débuta un 1er février 2004, mobilisant 1 300 complices autour d'un brunch. C'était aussi son jour de disparition. À partir de cette date, Favier a tracé en ermite les cotes imaginaires d'une gigantesque cartographie, s'imposant une date de retour qui serait celle du vernissage public de l'exposition : le 17 juin 2005. Depuis, on l'a entraperçu à l'occasion d'un rallye bouliste, puis pour une sandwich party avec Pierre Gagnaire. Entretemps, il y a eu des échanges épistolaires, des œilletons percés dans les murs du musée témoignant de l'avancée de l'épopée et régulièrement, dans la presse nationale, des articles rapportant les épisodes de cette aventure immobile. « Géographie à l'usage des gauchers » retrace à la manière du roman initiatique les amplitudes et marées qui ont jalonné la réalisation de 396 tableaux composant le point de fuite de cette formidable rêverie.

Texte de Thierry Prat, extrait du dossier de presse de l'exposition Géographie à l'usage des gauchers, Musée d'art contemporain de Lyon, juin 2005

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Géographie à l'usage des gauchers est née de discussions entre Philippe Favier et Thierry Raspail. Ce dernier notait la différence entre le caractère naturel et puissant du travail dans l'espace privé de l'atelier et sa présentation parfois trop formelle en situation d'exposition. Ainsi est née l'idée de proposer à l'artiste une aventure où il tenterait de faire entrer dans une exposition un peu de sa vie privée.

Confronté à un tel défi, Philippe Favier, après quelques temps de réflexion proposa de réaliser une expédition en lieu clos (comme le sont les lits dans les hauteurs du Pilat) à laquelle il souhaitait associer mille et quelques personnes ; elles seraient, durant les 17 mois que durerait l'expérience, convoquées au titre de convives à des étapes commensales, physiques et artistiques.

Le lancement de l'expédition, le dimanche 1er février 2004, fut l'occasion d'un brunch artistique qui donna le ton. Il s'ensuivit, en juin, un parcours champêtre dans le parc de la Tête d'Or, sous forme de rallye, jeu de piste bouliste où chacun repartit avec une boule originale dûment estampillée. Un magistral buffet où la fourme de Montbrison rivalisait avec le saucisson de Bourg Argental, le vin et le champagne scellaient l'affaire.

Le rendez-vous suivant fut épistolaire, il s'agissait de compléter une carte muette. Il fut suivi d'une soirée gastronomico-poétique. Sous les notes du violoncelliste Michel Poulet, Pierre Gagnaire interpréta en compagnie de Michael Sadler et Jean-Marc Roulot Ils sandwichent : premier anniversaire du lancement de cette géographie imaginaire.

Entre temps, l'artiste isolé dans un repli secret du Musée œuvrait à conclure le grand œuvre de l'exposition : une cartographie lilliputienne en 396 tableaux qui mirent plus d'un an à grandir. L'exposition Géographie à l'usage des gauchers conclut l'expédition éponyme et traduit dans l'espace d'exposition, cette longue et délicate gestation.

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Cartographie, 2005
396 cadres (32 x 32 cm chacun), 11,7 x 4,80 m
Peinture blanche sous verre, dessin stylo-bille, fond aluminium blanc, éléments découpés et collés

Planisphère imaginaire, avec ses continents, îles, archipels, océans, baptisés des noms donnés par ceux qui, au long de l'expédition, ont répondu aux questionnaires envoyés par Philippe Favier.

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Libération, 2005
17 coupures de presse encadrées du feuilleton mensuel Expédition Favier par Henri-François Debailleux, paru dans Libération pendant l'expédition.

+ Voir une sélection d'articles extraits de l'édition des Cahiers Intempestifs, 2005

Pellucidar, 2005
Installation d'objets hétéroclites évoquant le voyage et l'exploration

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Dessins de Philippe Favier et Jean-Michel Alberola, 2004-2005
70 dessins encadrés, stylo bic et encre, réalisés sur un principe de cadavre exquis.

Planches de figures, 2005
60 dessins au stylo bic et encre encadrés, pupitre, livre

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Géographie à l'usage des gauchers - Carnets d'une exposition
Éditions des Cahiers intempestifs, Saint-Étienne, 2005
200 pages, 42 x 30 x 2,6 cm

Courriers, 2005
Série épistolaire, 22 lettres envoyées par Philippe Favier à Éric Darragon et Éric Holder pour qu'ils les complètent.

+ Lire une sélection de courriers

© Adagp, Paris