Marine Lanier
Dossier mis à jour — 08/07/2021

Eldorado, 2013

Eldorado, 2013
42 photographies couleur, tirages papier hahnemühle photo rag, contrecollés sur dibond
3 formats : 80 x 100 cm, 40 x 50 cm, 20 x 25 cm
Projet réalisé lors d'une résidence d'artiste à la médiathèque de Montélimar dans le cadre du festival Itinérance(s), avec le soutien de la médiathèque, du CAC - Château des Adhémar (Montélimar), de la Burrard Arts Foundation (Vancouver), de la Monash Gallery of Art (Merlbourne) et de la DNJ Gallery (Los Angeles). En partenariat avec l'Institut français du Luxembourg.

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"Eldorado déploie les serres familiales envahies par une végétation luxuriante originaire de l'hémisphère sud, sèche, brûlée sur des hectares. Le lieu connu durant l'enfance, abandonné plusieurs fois, connaît différentes périodes de faste et de déclin. L'espace prend de l'ampleur. Les serres se multiplient. Quelque chose, de l'ordre du phénomène de l'éclosion d'une chrysalide, apparaît. [...] Ici, l'imaginaire de l'île s'ouvre sur une nature sauvage, hostile et spontanée. Des monochromes où se côtoient la flore épaisse d'une pépinière à l'abandon." [...] Marine Lanier

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"L'archipel émerge au milieu du Rhône et son canal. C'est un lieu de frontière qui surnage sur l'eau. Une île au creux des terres. Juste avant de franchir le pont. Celui qui relie la Drôme à l'Ardèche. Du bord de la route, on aperçoit la jardinerie. Les pépinières se trouvent dans l'exact prolongement. On y accède par un autre chemin. Seuls les ouvriers ont le droit d'emprunter le raccourci. Pour s'y rendre, on effectue un détour en prenant la direction de la base nautique.
Mon père travaille dans les serres." [...]

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Il revient avec sa veste chargée de cette odeur. Une résine verte. L'odeur du cyprès. La veste se déchire aux aisselles, l'usure des végétaux a ciselé la couture. Une mousse blanche sort du tissu marron. Ses doigts sentent la terre. Il charrie des plantes. La terre reste sous ses ongles même après qu'il se soit lavé. Les mains s'épaississent, elles se creusent de ridules puis de gros sillons. Les crevasses remplacent la peau molle. Le visage est brûlé par le soleil. Le haut du crâne devient noir. Ses bottes sont jetées dans le garage. C'est un mélange de plastique, de moiteur, de nuit, d'exhalaisons acides. Comme au plus profond de sa veste de pluie. Ce sont des effluves de sueur, de terre mélangée et d'orages violents qui envahissent les pièces. Les vêtements de travail - il les laisse traîner sur le dos des fauteuils, sous la terrasse, dans le couloir près de ma chambre. Ils sont chargés de cette présence du dehors. Un remugle de feu, de racines mauves, d'heures égrenées à bouturer des pots par centaine. Ses mains pleines de terreau humide, il les essuie sur ses manches. Les jeans usés ont les mêmes traces le long des cuisses. Il porte ce froid et l'élan du mistral. Le vent qui le fait souffrir d'engelures. Celui des plaines de l'île. Rien ne perturbe cet ordre. Ce sont de longs hivers, des printemps qui ne viennent pas, des étés où la chaleur s'engouffre.
Ma mère nous emmène souvent pique-niquer à la base nautique. Nous attendons mon père. Nous fixons l'eau du lac. Quelques années plus tard, je marche là-bas. Je circule près de l'île, je fais le tour du lac. Je sillonne l'étendue. Je continue de regarder l'île depuis la berge. Depuis les gros rochers couleur sable. Je ne sais toujours pas rejoindre l'île. J'ai peur de manquer de souffle à la nage. Je passe à côté de la pépinière. Je n'ose y pénétrer. Le lieu m'est devenu interdit. L'intérieur du site contient un piège qui pourrait se refermer sur moi.
Je viens d'une famille de jardiniers, paysagistes, pépiniéristes, horticulteurs, fleuristes. Depuis cinq générations, les hommes de ce clan organisent l'espace, cherchent à le maintenir, à le discipliner. Ils taillent les arbres, charrient les déchets, les brûlent, surveillent les feux, transportent les racines à l'arrière des remorques, ratissent les feuilles de cours pleines de graviers, plantent des haies, livrent des fleurs, habillent les enterrements, les baptêmes, les anniversaires, les mariages, participent à tous les rituels qui donnent forme à une vie. L'odeur de l'eau des fleurs est une chose qui saisit la famille. Un parfum qui sidère. C'est un écho de fleurs fanées, de mousses vertes, de tiges coupées au sécateur, de sève entière qui se répand. [...]

Eldorado, 2015

Eldorado #1, 2013
Collection The Fotofilmic Foundation, Vancouver
Eldorado #2, 2013
Eldorado #3, 2013
Eldorado #4, 2013 
Eldorado #5, 2013
Eldorado #6, 2013
Eldorado #7, 2013 
Eldorado #8, 2013
Eldorado #9, 2013
Eldorado #10, 2013
Eldorado #11, 2013
Eldorado #12, 2013
Collections The Fotofilmic Foundation, Vancouver / Artothèque municipale Kateb Yacine, Grenoble / Médiathèque intercommunale de Montélimar
Eldorado #13, 2013
Eldorado #14, 2013
Eldorado #15, 2013
Eldorado #16, 2013
Eldorado #17, 2013
Eldorado #18, 2013
Eldorado #19, 2013
Eldorado #20, 2013
Eldorado #21, 2013
Eldorado #22, 2013
Eldorado #23, 2013
Eldorado #24, 2013
Eldorado #25, 2013
Eldorado #26, 2013
Eldorado #27, 2013
Eldorado #28, 2013
Eldorado #29, 2013
Eldorado #30, 2013
Eldorado #31, 2013
Eldorado #32, 2013
Eldorado #33, 2013
Eldorado #34, 2013
Eldorado #35, 2013
Eldorado #36, 2013
Eldorado #37, 2013
Eldorado #38, 2013
Eldorado #39, 2013
Eldorado #40, 2013
Eldorado #41, 2013
Eldorado #42, 2013

Vues d'expositions
Les Contes sauvages, 2021
Réalisée dans le cadre du Mois Européen de la photographie, Institut français du Luxembourg, Abbaye de Neumester, Luxembourg
Commissariat : Laurence Lochu
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Comme par une cheminée qui débouche en plein ciel, 2015
Château des Adhémar - Centre d'art contemporain, Montélimar - Avec le collectif Les Climats - Commissariat : Hélène Lallier
Photos : © Blaise Adilon
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