Richard Monnier
Dossier mis à jour — 23/04/2024

Dé Die

Dé Die
Catalogue Pas à Pas, École des Arts Décoratifs, Strasbourg, 1999

Les observations qui vont suivre voudraient encombrer de sens littéral et de qualités locales les souvenirs des lecteurs de "Un coup de dé jamais n'abolira le hasard".
Si elles manquent ce but, faire apparaître le dé, elles évoqueront au moins une disparition, celle du poète dont c'est le centenaire.

                                                             Dé

Petite réserve d'imprévu contenue dans une sphère décalottée.

Qui doute que le dé jeté ne retombe sur une de ses faces ? Qui doute que c'est, soit le un, soit le deux, soit le trois, soit le quatre, soit le cinq, soit le six qui va être joué ? Ces quelques possibles qu'on peut compter presque sur les doigts d'une main contraignent la chance à se couler dans la suite des nombres, à se fondre dans un ordre et réduisent finalement le dé à un objet qui contient plus d'arbitraire que de hasard.

Les nombres affichés sur les faces du dé, nous empêchent de nous fier à notre perception - vraie génératrice d'inattendu, de fortuit et d'accident. Ils nous persuadent que le dé a six faces alors qu'il n'en a que deux ou trois comme chacun le voit. La préséance du su sur le perçu nous pousse  à déchiffrer le dé. Ainsi, la somme des faces opposées toujours égale à sept est un cas particulier de la règle selon laquelle la somme des extrêmes
a(m) + a(n) d'un segment de la suite des entiers naturels m...n est égale à la somme
a(m+1) + a(n-1) et est égale à  a(m+2) + a(n-2), etc.
Le dé gagne en force spéculative ce que le sort perd en puissance.  

                                                             Die

Die est le titre d'une sculpture : un cube de 1,80 m de côté en acier peint en noir. Son auteur Tony Smith en définissait l'échelle par défaut : "plus petit le cube deviendrait un objet, plus grand le cube deviendrait un monument". Ni générateur d'événement, ni célébration d'événement. Amplification silencieuse d'un dé qui ne chute ni ne s'érige, qui repose.

Richard Monnier, 1998-1999