Laurent Pernel
Dossier mis à jour — 27/10/2016

Burn Out

Burn Out, 2011
Vues de l'exposition à la Galerie Houg, Lyon
Photos : © Phœbé Meyer
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Extrait de Burn out - Laurent Pernel : Brûler jusqu'à la consomption (Brûler/Figurer)
Par Corinne Rondeau, 2011

Arrêts du regard sur des silhouettes accidentées issues de la construction : voitures, façades d'immeubles, pylônes. Formes pleines de ressemblance qui si elles n'apparaissent pas accidentées ont la marque symbolique de la tragédie : drapeau, territoire, empreinte digitale, cerveau, bombe. Seul un être naturel rôde étrangement, le taureau. Moins forme que force intériorisée mimant la violence suspendue des accidents. [...]

Pour comprendre il faut sortir des formes et se rapprocher des supports de papier. Qu'y voit-on ? Des séries de brûlures. Des points certes, mais moins des points que la patiente application à brûler la feuille sans la brûler intégralement. On imagine la tension visuelle d'une pareille opération, le corps terriblement concentré sur la pointe incandescente du pyrograveur, l'attention rivée à la bonne température pour obtenir tous les tons, des plus clairs aux plus sombres, et éviter en permanence la perforation du papier.

De cette entreprise, lancée en 2008, Laurent Pernel dit qu'elle procède d'un « acte de résistance ». Résistance à plusieurs sens : résistance à la destruction intégrale, manifestation qui la fige, maintien d'une forme concrète dans un processus de destruction. Mais résistance à quoi ? Sans doute à la conservation de la figure. [...]

L'organicité des entrailles des carcasses où irradient des pointes de rouges et l'intensité des noirs des taureaux ne présentent aucune rencontre objective mais un état des forces ; la diagonale de « dessins » de bombes est la suspension d'une pluie mortifère autant qu'un ban de poissons sans océan.

Chez Laurent Pernel, l'activité de brûleur est comme une tempête de feu retenue. Qu'est-ce qui s'organise dans ce chaos ? Que devient le territoire que l'acte met à l'épreuve ? Un état des choses comme une formule suspendue : « quelque chose ne va pas mais il faut continuer ». Burn out. Ce qui ne va pas appartient moins au règne de la nature qu'à celui de la culture : il n'y a aucun paysage, aucune fleur. Il ne s'agit pas d'un incendie. Ne peut être brûlé que ce qui est construit, ce qui contient en propre une physique de destruction hors de tout nature. La pratique conduit à mettre à l'épreuve la figure par la brûlure. L'acte n'est pas graphique, il est intimement physique, au sens littéral : inscription. Ces dessins sont des sculptures ! D'une physique à la limite de l'implosion qui conjugue ce qui reste à voir quand la forme est à la limite de sa disparition et de sa permanence : brûler le support / atteindre la figure. [...]

Burn out n'est pas un titre choisi à la légère, et l'exposition semble être pour Laurent Pernel l'arrêt de cette pratique dans son travail. Façon de mettre définitivement la brûlure à l'extérieur de soi et signifier que le combat est la forme d'un effet tragique de l'existence. Burn out — que reste-t-il quand on a tout consumé ? Une figure — l'acte de faire passer une réalité physique (tant de forces) dans une réalité visuelle (si peu d'effets).